Sep 3, 2015

Stan

A la recherche du Neuralino - dessin au téléphone - 08/2015

C'est Romain qui fit le voyage pour présenter les travaux qu'il menait avec Brigitte et son équipe au laboratoire depuis cinq ans. Normalement, c'est Brigitte qui aurait dû y aller. Elle s'était énormément investie dans le projet. Elle avait su donner sens aux résultats des expériences en prenant un point de vue théorique iconoclaste qui avait laissé Romain perplexe au-début, mais qui s’avéra par la suite très fructueux. On avait pris beaucoup de temps à vérifier les résultats et les conditions expérimentales. Romain y tenait. Il ne souhaitait pas faire de publication hâtive. On avait poussé et tordu dans tous les sens l'ébauche d'explication théorique de Brigitte, pressé les équations avant d'écrire quoique ce soit. On savait que l'équipe tenait un bon papier.

Brigitte venait de perdre son père et repartait chez elle en Savoie. Il fut convenu que c'est Romain qui irait présenter les travaux. L'institut avait serré les budgets mission depuis quelques temps. Il devenait de plus en plus dur d'aller aux colloques à l'étranger. Sauf à être chef de service, pas question de partir si on n'avait pas un papier à présenter, et encore moins d'y aller avec un collègue. Il faut dire aussi que les coûts des inscriptions étaient devenus exorbitants. Les organisateurs abusaient, ça pouvait monter jusqu'à mille euros.

Romain n'était d'ailleurs plus aussi fana qu'avant pour y aller. Sa curiosité envers les travaux des autres chercheurs était intacte, mais l'organisation des conférences les rendaient souvent fatigantes. Il y avait systématiquement une grosse densité de présentations et peu de temps était alloué pour les questions. C'était un peu de l'abattage. Il fallait courir d'une salle à l'autre, d'un étage à l'autre, pour assister aux différentes présentations. Deux mots échangés dans un couloir avec un collègue faisait rater le début de la conférence suivante.

Romain sortait d'une conférence d'un jeune Russe brillant. Comme toujours avec eux, la présentation était pourrie, copies de Word, feuilles de papier scannées, mais le contenu l'avait fortement impressionné. L'équipe russe n'était pas loin de prouver l’existence du neutralino, constituant probable de la matière noire de l'univers.

Romain filait dans l'escalier vers la conférence suivante (ascenseur hors service pour ne rien arranger) quand il croisa Stanley. Romain avait rencontré Stan quand il faisait sa thèse à Orsay. Ils ne s'étaient jamais perdu de vue depuis. Stan publiait beaucoup, un peu trop au goût de Romain. Romain l'avait accueilli au labo l'année dernière pour la mise au point assez délicate d'une électronique dédiée aux expériences de Brigitte. Stan était un génie de l'électronique, toujours d'humeur joviale, bon camarade, mais toujours aussi crade. Stan ne changeait pas .

A l'odeur, Romain devina que Stan avait sur le dos les fringues qu'il avait portées pendant le voyage en avion la veille. La météo était pas mal perturbée depuis quelques jours. Stan avait du avoir des sueurs froides au moment de l'atterrissage. Stan sentait très fort.

Ceci dit,  même les rares fois où Stan avait fait des efforts de toilette, il restait toujours sur lui une odeur persistante de Poney. 

Aubevoye - 09/2015 

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