A la recherche du Neuralino - dessin au téléphone - 08/2015
C'est Romain
qui fit le voyage pour présenter les travaux qu'il menait avec Brigitte et son équipe au laboratoire depuis cinq ans. Normalement,
c'est Brigitte qui aurait dû y aller. Elle s'était énormément
investie dans le projet. Elle avait su donner sens aux résultats des
expériences en prenant un point de vue théorique iconoclaste qui
avait laissé Romain perplexe au-début, mais qui s’avéra par la
suite très fructueux. On avait pris beaucoup de temps à vérifier
les résultats et les conditions expérimentales. Romain y tenait. Il
ne souhaitait pas faire de publication hâtive. On avait poussé et
tordu dans tous les sens l'ébauche d'explication théorique de
Brigitte, pressé les équations avant d'écrire quoique ce
soit. On savait que l'équipe tenait un bon papier.
Brigitte
venait de perdre son père et repartait chez elle en Savoie. Il fut
convenu que c'est Romain qui irait présenter les travaux. L'institut
avait serré les budgets mission depuis quelques temps. Il devenait
de plus en plus dur d'aller aux colloques à l'étranger. Sauf à
être chef de service, pas question de partir si on n'avait pas un
papier à présenter, et encore moins d'y aller avec un
collègue. Il faut dire aussi que les coûts des inscriptions étaient
devenus exorbitants. Les organisateurs abusaient, ça pouvait monter
jusqu'à mille euros.
Romain
n'était d'ailleurs plus aussi fana qu'avant pour y aller. Sa
curiosité envers les travaux des autres chercheurs était intacte, mais
l'organisation des conférences les rendaient souvent fatigantes. Il
y avait systématiquement une grosse densité de présentations et
peu de temps était alloué pour les questions. C'était un peu de
l'abattage. Il fallait courir d'une salle à l'autre, d'un étage à
l'autre, pour assister aux différentes présentations. Deux mots
échangés dans un couloir avec un collègue faisait rater le début
de la conférence suivante.
Romain
sortait d'une conférence d'un jeune Russe brillant. Comme
toujours avec eux, la présentation était pourrie, copies de Word,
feuilles de papier scannées, mais le contenu l'avait fortement
impressionné. L'équipe russe n'était pas loin de prouver l’existence du neutralino, constituant probable de la matière
noire de l'univers.
Romain
filait dans l'escalier vers la conférence suivante (ascenseur hors service pour ne rien arranger) quand il croisa Stanley. Romain
avait rencontré Stan quand il faisait sa thèse à Orsay. Ils ne
s'étaient jamais perdu de vue depuis. Stan publiait beaucoup, un peu
trop au goût de Romain. Romain l'avait accueilli au labo l'année
dernière pour la mise au point assez délicate d'une électronique
dédiée aux expériences de Brigitte. Stan était un génie de
l'électronique, toujours d'humeur joviale, bon camarade, mais
toujours aussi crade. Stan ne changeait pas .
A l'odeur,
Romain devina que Stan avait sur le dos les fringues qu'il avait portées
pendant le voyage en avion la veille. La météo était pas mal
perturbée depuis quelques jours. Stan avait du avoir des sueurs
froides au moment de l'atterrissage. Stan sentait très fort.
Ceci dit, même les rares fois où Stan avait fait des efforts de toilette, il restait toujours sur lui une odeur persistante de Poney.
Aubevoye - 09/2015

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