Oct 12, 2016

Déboulé du Printemps

Encre, stylo Muji et acrylique - 10/2016

Emilie se tenait debout devant la fenêtre et perdait son regard dans le soir de la rue maintenant calme. Sur les rideaux de fer abaissés des boutiques endormies, les lumières des décorations de Noël tendues entre les façades, taguaient des graffes éphémères et colorés. Une voiture passa en trombe et tourna au coin de l’épicier ; le silence de la rue se réinstalla. La maison était sombre et paisible. Il y eut le vouff du déclenchement de la chaudière dans la cuisine, le plic-ploc continu du radiateur tiède sur lequel Emilie avait posé ses deux mains; petits bruits familiers perdus dans le temps immobile de l'Avant.

Emilie voyait son propre reflet sur la vitre, ses cheveux dénoués, les guirlandes clignotantes du sapin de Noël derrière elle dans le salon, et la robe d’été qu’elle portait. Au cœur de l’hiver, Emilie avait passé ce soir une petite robe d’été, simple, fraîche et modeste. Dehors sur le trottoir, une femme marchait à pas rapides et décidés, doudoune Annapurna, boots fourrées et téléphone à l’oreille. Des petits ballonnets de vapeur blanche s’échappaient de la capuche de la passante et filaient dans son sillage; éclats de voix de la femme se croyant seule dans le froid piquant de la rue.

Emilie glissa un CD dans le lecteur et enfonça la touche Play. Un air de musique insouciant et nostalgique envahit la pièce. Elle déchaussa ses escarpins en deux coups de talons et se mis à danser pieds nus sur le tapis. La robe d’été se relevait en corolle dans le tournoiement de la danse, découvrant une petite culotte de coton ordinaire et troublante. Ivre de ses soleils, Emilie tournait, tournait et tournait encore, souriant aux beaux jours qui débouleraient dans quelques mois.

Aubevoye 10/2016

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