Oct 8, 2015

Livres


En vérité je ne saurais dire comment cet acoquinement s'était fait, ni comment ni pourquoi ni à quel propos j'avais décidé Korzakow à quitter Paris et à m'accompagner en Belgique.
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A l'époque j'étais étudiant en médecine, mais j'étais plus souvent à Paris, à Londres, à Berlin, voire à Saint-Pétersbourg, où j'avais toujours un pied-à-terre, qu'à Berne, où j'avais pris mes inscriptions à la Faculté et étais censé faire ma quatrième année. 
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Alors quand j'en avais marre des cours, des grands livres qui ne se lisent que dans les bibliothèques, des macchabées, des amphithéâtres, des malades à l’hôpital, des examens, je faisais un plongeon dans les bas-fonds ou prenais la mer ..., mais j'emportais mes livres partout avec moi, des livres que j'avais acheté dans le monde entier, dix caisses immenses et immensément lourdes, que j'ai trimballées dans tous mes voyages durant des années et pour le transport desquelles j'ai dépensé une fortune à la tonne kilométrique. Et c'est Korzakow qui venait de m'en débarrasser.
(...)
Mais cent fois entre Paris et Anvers, je m'étais dit que seule l'épaisseur du petit volume que j'avais dans ma poche (c'était les Testaments de Villon) me séparait de mon compagnon et m'empêchait de devenir une parfaite canaille, comme lui ...

Blaise Cendrars - Bourlinguer - Ed. Denoël 1948


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