Les ressorts, le moteur, le radiateur, le ventilateur et le carburateur. Tout ça lâche bout à bout sans que personne ne soit jamais fichu de dire à cause de quoi. Et à côté de ça, tu prends une autre voiture dans la chaine et tu pourras jurer qu'elle est exactement pareille aux autres, eh ben, pas du tout. Elle a quelque chose que les autres n'ont pas. Elle a plus de compression. Presque comme un type qu'en a dans le ventre. T'auras beau faire, elle ne te lâchera jamais.
- J'en ai eu une comme ça, dit Boutonneux. Un modèle A. Je l'ai vendue. Mais elle roule toujours. Je l'ai eu trois ans et elle ne m'a pas coûté un sou. Increvable, qu'elle est.
Juan déposa la couronne et le pignon sur le marchepied et ramassa le vieux pignon à terre. Du doigt, il tâta la brèche mordante laissée par la dent cassée.
- C'est un drôle de truc, l'acier, dit-il. Des fois, on a l'impression qu'il se fatigue. Tu sais, là-bas d'où je viens, au Mexique, les bouchers ont toujours deux ou trois couteaux. Ils se servent d'un et plantent les autres dans la terre. "Ça repose la lame", qu'ils disent. Je ne sais pas si c'est la vérité, mais tout ce que je sais, c'est que quand on les sort, elles sont tout affûtées. J'ai idée que personne n'y connaît rien à l'acier.
John Steinbeck - Les naufragés de l'autocar
Trad. Renée Vanasseur et Marcel Duhamel - Gallimard

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