ROXANE
Aujourd'hui...
Vos mots sont hésitants. Pourquoi ?
CYRANO parlant à mi-voix,
comme Christian.
C'est qu'il fait nuit,
Dans cette ombre, à tâtons, ils
cherchent votre oreille.
ROXANE
Les miens n'éprouvent pas difficultés
pareille.
CYRANO
Ils trouvent tout de suite ? Oh !
Cela va de soi,
Puisque c'est dans mon cœur, eux, que
je les reçoi ;
Or, moi, j'ai le cœur grand, vous,
l'oreille petite.
D'ailleurs vos mots à vous
descendent : ils vont vite,
Les miens montent, Madame : il
leur faut plus de temps !
ROXANE
Mais ils montent bien mieux depuis
quelques instants.
CYRANO
De cette gymnastique, ils ont pris
l'habitude !
ROXANE
Je vous parle, en effet, d'une vraie
altitude !
CYRANO
Certes, et vous me tueriez si de cette
hauteur
Vous me laissiez tomber un mot dur sur
le cœur !
ROXANE
Je descends !
CYRANO
Non !!
ROXANE
Grimpez sur le banc, alors, vite !
CYRANO
Non !!!
ROXANE
Comment... non ?
CYRANO
Laissez un peu que l'on profite...
De cette occasion qui s'offre … de
pouvoir
Se parler doucement sans se voir.
ROXANE
Sans se voir ?
CYRANO
Mais oui, c'est adorable. On se dévine
à peine.
Vous voyez la noirceur d'un long
manteau qui traîne,
J'aperçois la blancheur d'une robe
d'été :
moi je ne suis qu'une ombre, vous,
qu'une clarté !
No comments:
Post a Comment