Mar 22, 2015

Le balcon

ROXANE
Aujourd'hui...
Vos mots sont hésitants. Pourquoi ?

CYRANO parlant à mi-voix, comme Christian.
C'est qu'il fait nuit,
Dans cette ombre, à tâtons, ils cherchent votre oreille.

ROXANE
Les miens n'éprouvent pas difficultés pareille.

CYRANO
Ils trouvent tout de suite ? Oh ! Cela va de soi,
Puisque c'est dans mon cœur, eux, que je les reçoi ;
Or, moi, j'ai le cœur grand, vous, l'oreille petite.
D'ailleurs vos mots à vous descendent : ils vont vite,
Les miens montent, Madame : il leur faut plus de temps !

ROXANE
Mais ils montent bien mieux depuis quelques instants.

CYRANO
De cette gymnastique, ils ont pris l'habitude !

ROXANE
Je vous parle, en effet, d'une vraie altitude !

CYRANO
Certes, et vous me tueriez si de cette hauteur
Vous me laissiez tomber un mot dur sur le cœur !

ROXANE
Je descends !

CYRANO
Non !!

ROXANE
Grimpez sur le banc, alors, vite !

CYRANO
Non !!!

ROXANE
Comment... non ?

CYRANO
Laissez un peu que l'on profite...
De cette occasion qui s'offre … de pouvoir
Se parler doucement sans se voir.

ROXANE
Sans se voir ?

CYRANO
Mais oui, c'est adorable. On se dévine à peine.
Vous voyez la noirceur d'un long manteau qui traîne,
J'aperçois la blancheur d'une robe d'été :
moi je ne suis qu'une ombre, vous, qu'une clarté !

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